Des motifs, des variations, des échelles et un arsenal d’images avec leur propre grammaire se déploient sur la table de travail de Wilmer Useche de Cucuta. A partir de l’approche méditative de son processus créatif, il réfléchit sur les systèmes de représentation pour transformer, décontextualiser ou manipuler des plans et des images réelles ou fictives.
Dans la production artistique de Wilmer convergent l’architecture, le dessin, la géométrie, l’histoire et des éléments de la culture populaire. Son œuvre se caractérise par une minutie formelle impeccable, soutenue par des processus de recherche rigoureux. Dans ce scénario, ses prouesses techniques et une large vision créative convergent, faisant dialoguer une pensée structurée avec diverses références visuelles. Ce processus s’enrichit d’un traitement vif de la couleur et d’un contrôle minutieux de l’image qui parvient à créer des tensions en parfaite harmonie.
Ses propositions, aussi raisonnables qu’incroyables, reprennent des extraits des effets visuels produits par les erreurs de l’imagerie numérique, ainsi que des tissages des peuples autochtones et de leurs motifs géométriques. Ces dessins, d’une résolution apparemment numérique mais faits à la main, semblent aller à contre-courant de l’éphémère dans la société de l’information, où la technologie médiatise la vitesse de production, de circulation, de consommation et d’élimination de l’image. Dans cette conscience du présent se manifeste une identité esthétique de l’erreur qui célèbre et élève l’irruption, la distorsion ou la détérioration, dans des pièces uniques qui contrastent avec le contexte de la sérialité technologique et de la reproductibilité mécanique.
Grâce à un exercice de routine avec des stylos et des marqueurs de couleur, chaque dessin Technicolor fonctionne comme une émulation mécanique et presque objective de la précision technologique. On y fabrique intentionnellement un “Glitch”, un effet visuel d’erreurs ou de défaillances de transmission, à travers une saturation chromatique qui révèle une certaine nostalgie cathodique et sauve la tradition de l’abstraction optique-cinétique latino-américaine. Contrairement à l’hyperréalisme, qui cherche à illustrer des fragments reconnaissables de la réalité, les créations de Wilmer explorent la production d’une nouvelle réalité où se croisent les mondes analogique et numérique.
Son dessin s’inscrit comme un geste de résistance à la prolifération de l’intelligence artificielle comme moyen de production artistique. Dans ce contexte, l’acte de dessiner acquiert une dimension de conviction et se situe comme une déclaration de principes, un exercice de réaffirmation de sa métrique personnelle et un manifeste en faveur de la relation méticuleuse entre espace-temps-artisanat. 

Alex Brahim, commissaire d’expositions